http://avionconcordepartagesavoir.blogspot.fr/

17 décembre 2016

L 'avion de transport à grande vitesse ATSF - AGV

Jean MARQUEZE-POUEY (ancien Chef du Département Avant-Projets et Recherche de la Division Avions de l'Aerospatiale)

D'ici au XXIème siècle le trafic aérien mondial va être marqué par deux caractéristiques majeures : son accroissement global et le développement des lignes transocéaniques donc des étapes longues qui, aujourd'hui, s'effectuent en 12 ou 14 heures. La demande devrait donc se préciser et s'amplifier pour des formes de transport plus efficaces, l'efficacité prenant en compte tout à la fois l'économie et la vitesse.

Pour être à la portée du plus grand nombre le transport aérien au XXIème siècle devra encore accroître son caractère économique tant à la conception qu'à l'exploitation, tout en maintenant deux impératifs majeurs : la sécurité et le respect de l'environnement. Le considérable effort qu'apportent organismes de recherche et industriels dans le développement des techniques et des technologies, doit permettre des gains sensibles dans ce domaine : conception structurale, nouveaux matériaux, optimisation aérodynamique, systèmes propulsifs de plus en plus performants et avionique de plus en plus intégrée, vont concourir à des gains économiques substantiels pour le transport subsonique.

Mais il est clair que ces progrès peuvent bénéficier à un type de transport plus performant en terme de vitesse, plus coûteux mais adapté à des missions à grand rayon d'action : le transport supersonique.

Après avoir situé le marché du transport aérien dans son évolution d'ici l'an 2000 nous présenterons comment, à partir de l'extraordinaire acquis technique des Britanniques et des Français permis par le Concorde, les différentes études et recherches en cours pourront bénéficier à un transport à grande vitesse et quels objectifs ils permettront d'atteindre.


Le contexte : marché et environnement

Dans le monde du trafic aérien la croissance estimée est de 5 % à 6 % environ d'ici le début du XXIème siècle : le trafic a doublé en 15 ans, il devrait doubler d'ici à la fin du siècle.

Le transport long-courrier constitue dans ce contexte un créneau tout à fait porteur : les passagers sont de plus en plus demandeurs de relations directes sur les longues distances, à tel point que le nombre de liaisons longs-courriers offertes est passé de 331 en 1975 à 683 à ce jour et que le développement du réseau représente un élément essentiel de la politique des compagnies.

Le confort des utilisateurs, et particulièrement de ceux voyageant pour affaires, passe par des liaisons sans escale, à fréquence suffisante et offrant des temps de vol aussi réduits que possible.

Ceci est particulièrement vrai sur les faisceaux longs-courriers les plus importants, qui relient les pôles économiques prépondérants : Amérique du Sud, Europe et Asie du Sud-Est.

Les prévisions concourent à montrer que, vers 2005, l'Atlantique Nord accueillera chaque année 50 millions de passagers et que les faisceaux Pacifique et Australie/Asie accroîtront considérablement leur trafic, multiplié par trois d'ici 2005.

Si l'on analyse la distribution et la répartition du trafic par longueur d'étape, on observe que l'étape moyenne évolue peu mais que la distribution du trafic par longueur d'étape est profondément modifiée. Si en 1974 les étapes se trouvent limitées à 9 500 km du fait du matériel offert par les constructeurs, aujourd'hui en revanche, la demande pour les longues étapes est devenue importante et les liaisons de 12 à 14 heures sont courantes.

Cette analyse rapide de l'évolution, actuelle et prévisible, du trafic, explique que, au-delà de Concorde et des projets supersoniques américains du début des années 1970 (abandonnés faute de crédits), les grands constructeurs mondiaux se penchent à nouveau sur un appareil capable d'améliorer notablement la qualité de desserte de ce type de relations, l'objectif visé en terme de rayon d'action et de capacité étant tout à fait différent de celui des années 1960.

Les études prospectives menées actuellement dans le monde montrent que les ventes d'un tel produit pourraient atteindre 300 à 600 unités.

Bien entendu cet héritier de Concorde utilisera les aéroports conventionnels et devra satisfaire aux normes de nuisances en vigueur, notamment en ce qui concerne le bruit : le niveau de bruit perçut au sol sera du même ordre que celui des avions subsoniques opérant à la même époque. Ce problème est étroitement lié à l'installation motrice, il concerne donc tout particulièrement les motoristes qui proposent des solutions pour y remédier.

On ne saurait en effet aborder le transport supersonique sans examiner avec soin les problèmes d'environnement.

Pour ce qui concerne le bang, les études menées montrent qu'une diminution du niveau de surpression acoustique est possible - par rapport au Concorde - en améliorant la géométrie de l'avion. En dépit de ces progrès le problème du bang demeure et Aerospatiale considère comme indispensable le survol des terres en croisière subsonique, subsonique élevé : M = 0,95. Ce profil de mission incluant une partie de la croisière en régime supersonique, une autre en régime subsonique, nous conduit à une optimisation particulière de l'avion de manière à respecter les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d'économie.

En liaison avec les motoristes les problèmes liés à la pollution atmosphérique sont examinés, qu'il s'agisse de la destruction de l'ozone ou de la création d'oxyde d'azote.

Pour clore ce chapitre relatif au contexte général il me semble indispensable de souligner que face à ce nouveau défi Aerospatiale dispose d'un atout majeur : Concorde, qui, au-delà de l'extraordinaire richesse de l'acquis technologique qu'il a permis, avec son nombre d'heures de vol très important, constitue une expérience unique au monde en matière d'avion civil et donc une base expérimentale inestimable.

Les grandes lignes du contexte dans lequel se situe le transport aérien à grande vitesse étant tracées examinons maintenant, sous l'angle technique, comment se prépare l'avenir d'un tel véhicule.


La préparation de l'avenir : ATSF



Les objectifs


Avant d'aborder les aspects purement techniques liés à un avion de transport supersonique futur - ATSF - successeur de Concorde il est nécessaire de préciser les grandes lignes du cahier des charges que nous nous sommes fixés à partir du contexte général qui vient d'être décrit.

Compte tenu des perspectives offertes par le marché l'ATSF devra transporter environ 200 passagers sur des étapes de 10 000 km - à rapprocher de 100 passagers et 6 200 km par Concorde - à un Mach de croisière de l'ordre de 2 à 2,4. Un effort tout particulier devra être porté sur l'efficacité globale de l'avion, associant les qualités aérodynamiques, la consommation spécifique du système propulsif et la masse ; cette efficacité devra être du même ordre que l'on se situe en croisière subsonique ou supersonique ; elle devra par ailleurs être très proche de celle d'un avion subsonique de même génération.

En ce qui concerne le bruit, l'ATSF devra respecter les normes OACI avec, peut-être, une dérogation rendue nécessaire par la spécificité de ce type d'avions.

Il est enfin indispensable que l'économie opérationnelle de l'ATSF soit du même ordre de grandeur que celle des avions subsoniques de même génération ; en dépit de la difficulté de ce pari, il est permis de penser aujourd'hui qu'elle ne devrait pas en différer de plus de 50 %.

L'aérodynamique

C'est vraisemblablement dans cette discipline qu'ont porté et que portent encore aujourd'hui les plus gros efforts. A partir de Concorde qui constitue une référence d'une très grande richesse (93 maquettes, 79 000 heures d'essais en soufflerie, 4 000 heures d'essais en vol), Aerospatiale a bâti une véritable filiation qui, au travers d'améliorations successives, a conduit à la version 3 de l'ATSF.

L'installation propulsive se caractérise aujourd'hui par des moteurs disposés en nacelles séparées avec entrées d'air de type bidimensionnel dos à dos : cette configuration s'avère, suite à diverses études paramétriques et expérimentales, réaliser un meilleur compromis que celle comportant, comme Concorde, deux moteurs jumelés en fuseaux.

Dans le domaine des basses vitesses les évolutions ont porté sur une augmentation de l'envergure et l'optimisation du braquage des becs entraînant une réduction du bruit et des performances en croisière subsonique améliorées : la finesse atteinte - 16 - n'est plus très éloignée de celle des meilleurs avions de transport subsoniques actuels - 19 -.

Pour la croisière supersonique, une nouvelle voilure a été optimisée, la forme du nez modifiée et affinée grâce à une conception nouvelle du poste de pilotage - nouveaux systèmes de visualisation moins volumineux - ; en outre une disposition et une cinématique nouvelles du train, rétractable dans la partie épaisse de l'onglet de voilure, réduisent ainsi la section du fuselage.

Il est clair également que le projet bénéficie de tous les outils informatiques développés par ailleurs, notamment en matière de conception aérodynamique, et que les méthodes et les calculateurs contribuent grandement à une meilleure optimisation d'ensemble tant d'un point de vue aérodynamique que structural.

L'exposé consacré à l'aérodynamique serait incomplet si l'on n'évoquait pas les travaux actuellement réalisés en vue de réduire la résistance à l'avancement - traînée - notamment celle due au frottement de l'air sur l'ensemble des parois de l'avion. Des recherches fondamentales sont en cours, depuis 1940, dans deux voies : soit maintenir laminaire la couche limite visqueuse sur une partie des surfaces, soit agir sur sa structure turbulente. La réduction potentielle de traînée de frottement grâce au maintien d'un écoulement laminaire local, peut être considérable.

Une réduction de 30 % de cette traînée augmenterait le rayon de l'avion de 20 % pour une même masse au décollage. Si les perspectives de ces travaux sont prometteuses, on est loin de maîtriser l'ensemble des problèmes, notamment ceux relatifs aux imperfections de surface de toute nature.

Propulsion

Le domaine de vol des avions de transport supersoniques étant très étendu, il est extrêmement difficile de concevoir un système propulsif proche de l'optimum au cours de toutes les phases importantes de la mission. Analysons les différents types de moteurs présentés par les motoristes actuellement.

Le moteur simple flux (comme l'Olympus équipant Concorde) est très bien adapté à la croisière supersonique mais il délivre une poussée trop élevée en croisière subsonique. Il doit être utilisé à régime réduit. Son taux de compression et sa température entrée turbine sont alors insuffisants et le cycle obtenu a un très mauvais rendement. Au décollage, un tel moteur est d'autant plus bruyant que sa poussée, généralement insuffisante, oblige à recourir à la réchauffe.

Le moteur double flux dont le taux de dilution peut être choisi de façon à ce que le niveau de bruit au décollage satisfasse les normes en vigueur. Ce type de moteur est acceptable mais il constitue une solution de compromis éloigné de l'optimum pendant les phases de vol importantes telles que la croisière supersonique. En croisière subsonique, le moteur doit fonctionner à régime réduit : le taux de compression et la température à l'entrée turbine sont faibles. La consommation est donc assez élevée. En croisière supersonique, la température à l'entrée du moteur est plus élevée qu'au décollage, il en résulte une augmentation du taux de dilution importante ; la poussée spécifique est alors trop faible et l'utilisation d'une réchauffe augmente la consommation dans des proportions excessives.

Le moteur à cycle variable qui permet de faire varier le cycle en fonction des conditions de vol de façon moins favorable que les moteurs conventionnels. Ce type de moteur permet :

- en croisière supersonique de réaliser de bonnes performances en raison de la durée de cette phase et des poussées élevées qu'impose la forte traînée. La poussée spécifique décroissant rapidement lorsque le taux de dilution augmente, il est donc souhaitable d'adopter un cycle simple flux ou double flux à très faible dilution.

- en croisière subsonique, dont la durée peut être importante si la ligne desservie traverse des terres habitées, les niveaux de poussée sont relativement modérés. Le meilleur cycle est caractérisé par un fort taux de dilution, un taux de compression et une température entrée turbine élevés.

- au cours des phases de décollage, de survol et d'approche, le respect des normes concernant le bruit des avions impose le choix de cycles à faible poussée spécifique. Les vitesses de décollage élevées et les longueurs de pistes réglementaires impliquent des poussées assez importantes donc des débits d'air élevés, difficilement compatibles avec le faible maître couple de la nacelle requis par la traînée en croisière supersonique. Un compromis sera généralement nécessaire.

Il est donc extrêmement difficile de concevoir un système propulsif proche de l'optimum au cours de toutes les phases de vol importantes de la mission. Le moteur cycle variable par son adaptabilité aux différents plans de vol semble le plus proche de l'optimum, mais les problèmes technologiques et d'installation (portes, clapets, vannes d'alimentation jusqu'à M = 1,7) sont très complexes.

Un moteur double flux à taux de dilution proche de l'unité pourrait peut-être réaliser un bon compromis face à un moteur à cycle variable très complexe à développer donc de coûts plus élevés.

Matériaux

Le développement de l'aéronautique passe par une meilleure maîtrise des matériaux utilisés. Depuis 10 ans, beaucoup de nouvelles voies ont été ouvertes, conduisant à une amélioration des performances en ce qui concerne la structure.

Cette amélioration est liée aux allégements dus au gain sur les propriétés spécifiques que peuvent apporter l'emploi des matériaux nouveaux et des technologies de mise en oeuvre (formage superplastique, soudure par diffusion ...).

Les vitesses actuellement envisagées pour l'ATSF, du même ordre que celle de Concorde, conduisent à des échauffements structuraux de même nature ; les difficultés présentées par ces échauffements sont donc parfaitement surmontables et d'ores et déjà de nombreuses améliorations sont possibles.

Nombre de nouveaux matériaux pourront être utilisés sur un ATSF à la fin de ce siècle :

- nouveaux alliages et matériaux composites destinés aux éléments de structure,
- super-alliages, céramiques et composite à base de fibres de verre pour les systèmes de propulsion,
- matériaux composites carbone-carbone (des fibres de carbone dans une matrice de carbone) capables de résister aux températures élevées pour les parties des appareils où la résistance à la chaleur est importante.

Les matériaux doivent néanmoins faire l'objet de nombreuses recherches fondamentales et appliquées avant d'être validés sur des avions de transport devant assurer 50 000 heures de vol sur plus de 25 ans. Deux notions importantes pour ces matériaux sont leur comportement au cours de leur vieillissement (dû à la fatigue, à la corrosion ...) et les gains de masse et de sécurité.

Il est bien évident que la conception structurale de l'ATSF bénéficiera de tous les développements de calculs établis permettant une meilleure optimisation et en conséquence, associée à des matériaux plus légers, un meilleur rendement structural.

Ces matériaux nouveaux et les procédés de fabrication associés contribueront, à l'aube de l'an 2000, à une spectaculaire réduction de la masse structurale des avions : de l'ordre de 20 %.

Cela entraîne d'autre part une diminution considérable des coûts de fabrication et une diminution de la consommation (la diminution de la consommation est deux fois plus rentable que pour un avion subsonique).

Systèmes

Concorde préfigurait par les concepts de nombre de ses systèmes les avions des générations actuelle (Airbus) et future. Il comportait, outre un poste d'équipage moderne, des commandes de vol électriques et un système de commande numérique des entrées d'air.

L'ATSF bénéficiera de toute cette expérience unique et bien sûr de celle acquise avec les avions de la famille Airbus dont la conception et la technologie des systèmes sont les plus avancées dans le domaine des avions civils.

Les développements et recherches en cours à l'Aerospatiale pour les systèmes des avions futurs permettent de définir les avancées technologiques dont l'ATSF bénéficiera pour ses systèmes et son poste de pilotage. Ces avancées technologiques concernent les principaux points suivants :

- le concept avion tout électrique, qui repose sur la suppression de la génération hydraulique centralisée permettant des gains de masse importants et une diminution des coûts de production et de maintenance. Une nouvelle distribution d'énergie électrique viendra y suppléer adaptée dans sa forme, alternative ou continu suivant les utilisations. L'énergie hydraulique, si nécessaire, sera entièrement décentralisée.

- un système de commandes de vol électrique - optique à haute intégrité associant des actionneurs électriques à bande passante améliorée, une architecture tolérante aux pannes basées sur des calculateurs reliés à des capteurs optiques et transmettant l'ordre de commande sous forme optique : ce système autorisera des qualités de vol améliorées et une marge de sécurité augmentée ; par ailleurs l'utilisation de nouveaux types d'actionneurs de commandes de vol à bande passante meilleure associés à l'introduction de lois de pilotage plus complexes intégrant un contrôle de centrage par une gestion du carburant - déjà utilisé sur Concorde - permettront une optimisation des performances et une augmentation des marges de sécurité.

- une avionique modulaire à maintenance réduite dans laquelle la notion d'équipement sera remplacée par la notion de modules standard ; cette avionique modulaire intégrée permettra une optimisation de la maintenance.

- poste de pilotage et des systèmes de surveillance et de conduite du vol optimisant l'efficacité opérationnelle, minimisant les charges de travail et parfaitement intégré dans l'environnement aérien.

L'expérience Aerospatiale acquise dans ce domaine ainsi que les progrès technologiques dans le domaine de la visionique pourraient autoriser pour l'ATSF la conception d'un cockpit dit aveugle permettant une optimisation des formes de la pointe avant.


L'avion à grande vitesse : AGV

Au-delà de l'ATSF dont les objectifs, en terme de vitesse, sont proches du Concorde et à qui le niveau actuel des technologies mises en oeuvre, comme on vient de le voir, permettrait de voir le jour dans les premières années du XXIème siècle, Aerospatiale, forte de la diversité et de la complémentarité de ses compétences en matière d'aéronautique et de spatial, étudie un autre mode de transport à grande vitesse, l'AGV, avion de transport hypersonique.

L'acquis technique et technologique dont dispose Aerospatiale pour cette étude est le même que pour l'ATSF, il vient s'y ajouter la compétence d'autres divisions en matière d'aérothermique, en matière de propulsion - statoréacteur, moteurs hybrides - et les travaux actuellement en cours s'inscrivent dans une totale synergie.

A ce stade très préliminaire des travaux les objectifs de l'AGV visent à répondre aux mêmes besoins du trafic, avec une transposition dans le temps, avec la même prise en compte de l'environnement et un même souci de l'économie opérationnelle qui, grâce à une optimisation à basse et grande vitesse, devrait différer de celle des avions subsoniques de même génération d'un facteur 2. 150 passagers pour une masse de 4,5 sur une étape de 12 000 km, telles sont les caractéristiques de la configuration actuellement à l'étude.

Une croisière subsonique à Mach = 0,95 est prévue comme pour l'ATSF pour les problèmes d'environnement (bang en croisière et focalisation en accélération transsonique). Cette croisière correspond à 2 000 km. Le carburant utilisé peut être du méthane liquéfié à - 180° ou du kérosène spécial, ce carburant sera retenu suivant un compromis entre l'efficacité aérodynamique, le coût et les performances.

Les problèmes associés à l'augmentation en Mach conduisent, au stade de la conception, à une intégration poussée de tous les éléments : charge marchande dimensionnant le fuselage, type de carburant en fonction du Mach de croisière choisi, système de propulsion associé et systèmes. La conception classique, voilure et fuselage séparés, cède le pas à des configurations intégrées dès que le Mach croît.

La configuration adoptée pour cette version comporte :

- un fuselage à section lenticulaire ; l'aérodynamique de l'avion intègre au mieux le système propulsif sous le fuselage,
- une voilure de forme évolutive avec deux dérives en bout d'aile.

La configuration optimale est obtenue par l'utilisation de nouvelles méthodes de calcul, permettant de prévoir les différents phénomènes rencontrés (zone d'interaction, onde de choc/couche limite ...), recalées sur des études expérimentales nombreuses.

La conception d'un tel avion sera très longue car les problèmes rencontrés sont importants :

- la température d'arrêt (bord d'attaque, entrée d'air ...) est de 1 000° C à Mach 5 contre 124° sur Concorde à Mach 2. Ce problème thermique entraîne bien sûr l'introduction de nouveaux matériaux à mettre au point,
- en limitant la pression entrée compresseur à 6 bars à Mach 5, on se heurte à des problèmes de masse. Sur Concorde, la pression est de 0,7 bar, et la masse des entrées d'air représente 66 % de la charge marchande (10 tonnes). Sur l'AGV, quelle devrait être la masse des entrées d'air à 6 bars ?

Enfin le développement des technologies liées à la propulsion est le point clé de la définition d'un avion à très grande vitesse. Lorsque le Mach croît, la gamme des moteurs devient de plus en plus complexe.

En partant de l'actuel supersonique Concorde, propulsé par des turboréacteurs Olympus conçus dans les années 1960, en passant par le SR-71 (Blackbird) propulsé par des 5-58 jusqu'à Mach 3,5, l'augmentation de vitesse nécessite des systèmes propulsifs multimodes : le turboréacteur jusqu'à Mach 3,5, le mode statoréacteur à combustion subsonique (RAMJET) jusqu'à Mach 5.

Jusqu'à M = 3, l'entrée d'air est ouverte et le fonctionnement est en mode turboréacteur ; à Mach 3 le turboréacteur est coupé, les rampes se ferment et l'air passe autour du turboréacteur pour alimenter le statoréacteur.

Il devrait ressortir de ce rapide exposé sur l'AGV que le Mach de croisière retenu - 4,5 au lieu de 2 pour l'ATSF - implique, au niveau de la conception de ce véhicule, un niveau de complexité beaucoup plus élevé conduisant à la mise en oeuvre de technologies non maîtrisées à ce jour. Il serait irréaliste en particulier de penser que la transposition de certaines solutions appliquées dans le domaine spatial se fera sans difficulté. Il doit rester clair que le transport des passagers à Mach élevé constitue un problème spécifique qui nécessitera des moyens très importants et que l'échéance prévisible ne peut se situer avant 2015.


Conclusion

En guise de conclusion il est donc raisonnable de penser aujourd'hui que l'accroissement prévu du trafic et le développement de lignes à grandes distances, vont générer des besoins pour un transport aérien civil à grande vitesse plus efficace que le transport aérien subsonique existant aujourd'hui.

A notre avis deux solutions se présentent, la première, concrétisée dans l'ATSF, vise un Mach de croisière du même ordre de grandeur que le Concorde : la compétence et les technologies existent ou sont rapidement accessibles et peuvent déboucher pour le début du XXIème siècle.

La deuxième, sous la forme d'un AGV, se heurte à des difficultés techniques et technologiques d'un autre ordre que seuls des efforts longs et très importants permettront de maîtriser à une échéance plus lointaine, 10 à 15 ans environ.

Il est clair que le développement de l'une ou l'autre solution, compte tenu de l'ampleur, de son niveau de difficultés et de ses enjeux, passe nécessairement par une coopération internationale entre avionneurs, motoristes et équipementiers.